Restitutions relationnelles versus restitutions individuelles

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Restitutions relationnelles versus restitutions individuelles

Restitutions relationnelles versus restitutions individuelles
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Dans loptique systmique classique la pense en termes de relations (pense circulaire) est perue comme suprieure la pense en termes individuels (pense linaire). Do le filon fondamental des recherches sur les systmes et les contextes. Cette attitude thorique risque cependant dentraner une grave erreur. La polarisation vers une pense hyper-relationnelle conduit perdre de vue la dimension individuelle cest–dire la manire dont un individu se construit labore sa souffrance et invente ses stratgies de survie. Dans la pratique clinique et les supervisions nous avons constat que la dformation systmique pouvait faire perdre lindividu toute consistance existentielle. La singularit de lindividu la richesse de ses diffrentes facettes ses contradictions et ses drames taient rduits un symptme un symbole sur un gnogramme ou une marionnette mue par les fils du jeu familial.
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Le point de vue systmique demeure certes essentiel. La pratique clinique en effet continue de nous prsenter des situations o la psychopathologie et les souffrances sont lies des problmatiques familiales que lon peut dfinir comme prmisses dysfonctionnelles ou encore comme mconnaissance de la ralit. Le modle systmique classique de la circularit visait une forme de mconnaissance typique: celle qui consistait considrer le patient dsign comme un bouc missaire. Il tait dfini par la famille comme malade/dysfonctionnel ce qui conduisait occulter les maladies ou les dysfonctionnements de ses proches et des relations familiales. De l dcoulaient les classiques et souvent efficaces redfinitions du problme comme familial et la dpathologisation du patient. Cette stratgie dintervention reste indique deux conditions:
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Avoir correctement valu le systme familial dans lequel certains membres-cls de la famille dnient leurs propres limites et vulnrabilits et les projettent sur le patient.
Etre capable de mener une thrapie qui restructure cette dfense de dni/projection.
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Il ne sagit cependant pas dune stratgie invariable. Lintervention de dpathologisation ne fonctionne que si elle parvient confronter fructueusement les membres de la famille leurs responsabilits dans le problme en cours. Dans les faits il nest pas rare quune hypothse systmique naie pas de rpercussions sur les patients et leurs proches si ceux-ci sont encore bloqus aux niveaux prpsychologiques de ngation.
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Toutefois le problme nest pas toujours celui de la rigidit dune dfinition strictement individuelle du problme (cest lui qui est fou possd par le dmon etc.). La rigidit dune dfinition exclusivement relationnelle du problme peut tre tout aussi dangereuse. Il peut en effet nous arriver et ce de faon assez frquente de rencontrer des systmes familiaux qui sont prisonniers dune dfinition relationnelle errone des drames quils sont en train de vivre. Dans ces situations le drame salimente prcisment du dni des aspects individuels de la pathologie et de la mconnaissance des responsabilits propres.
Lexemple de la violence
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Lexemple le plus flagrant de ce type de systmes concerne les couples o un homme violent frappe ou humilie sa compagne. Ici le drame peut se perptuer sur la base dune prmisse systmique qui met sur le mme plan la violence de lhomme et les dfaillances/provocations de la femme. Dans ces systmes il est clair que la dfinition dune pathologie individuelle de lhomme doit tre la prmisse toute intervention. Un projet thrapeutique familial ou de couple ne peut tre fructueux que si et seulement si lhomme violent a vraiment accept un programme thrapeutique visant la rsolution de son dysfonctionnement. Nous devons agir sur la croyance de cet homme qui nie son problme ou sa responsabilit.
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Pour dautres pathologies aussi lacceptation dun tat de souffrance ou demaladie individuelledoit tre obtenue au dbut du processus pour quune intervention psychothrapeutique individuelle ou relationnelle puisse avoir lieu. Cest le cas par exemple des dpendances: alcoolisme anorexie jeu de hasard etc.
Exemple clinique 1
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Rcemment un collgue nous a prsent en supervision une demande de thrapie de couple formule par des personnes ayant dj t traites de nombreuses reprises mais apparemment sans aucun rsultat. Il nous a sembl vident que rpter une fois de plus la dfinition dun problme de couple non seulement napporterait rien de nouveau mais favoriserait sans doute une srieuse mystification: celle de mettre sur le mme plan les responsabilits de chacun des conjoints. Mme sil ny avait pas de tmoignage patent de violence physique la dynamique sado-masochique paraissait vidente. Lhomme exerait une domination humiliante sur son pouse qui ntait pas en mesure dy chapper (elle avait en effet fait chouer de nombreuses interventions destines laider se sparer).
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Dans de telles situations il est plus utile dorienter le traitement en considrant les troubles de personnalit des deux conjoints troubles qui samplifient mutuellement.
Approfondir ltude de la personnalit
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Approfondir ltude de la personnalit nous parat judicieux non seulement pour nous orienter dans les traitements individuels des patients demandeurs mais aussi pour comprendre quel moment au sein mme des consultations familialesles dfinitions de problme de type individuelliant le symptme ou le problme un trait de personnalit du patientsont prfrables une restitution systmique classique.
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Un accueil bienveillant de la fragilit et de la souffrance dun patient peut faciliter une diminution de la dfense de dni des autres membres de la famille. En effet si un proche ressent le thrapeute bienveillant par rapport aux difficults du patient il pourra logiquement sattendre une attitude semblable lgard de ses propres limites. La procdure inverse par contre cest–dire partir de la dpathologisation peut avoir lavantage dallger pour tous le stigmate de la maladie mentale mais elle prsente dimportants risques de confusion.
Quelle approche pour quelle situation?
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Un futur champ de recherche dans ce domaine devrait rpondre des questions telles que: quel moment est-il plus efficace dutiliser une explication exclusivement relationnelle? Y a-t-il un avantage fournir une explication mlant la fois des connotations relationnelles (galisatrices) et des aspects individuels?
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Par exemple en prsence dun problme relationnel vident et en labsence dune psychopathologie dfinie il pourrait tre indiqu de commencer par une restitution relationnelle qui mette sur le mme plan les responsabilits de chacun des membres de la famille en particulier dans les situations o le conflit se joue autour du renvoi de la dfinition de folie.
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Labsence dune psychopathologie structure est un indicateur potentiel de maturit de la famille et donc dune capacit rflexive de co-responsabilit. Mais cela ne constitue certainement pas un critre suffisant.
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Une dynamique familiale trs difficile grer est celle du conflit entre des parents proccups par des comportements la limite du pathologique de leur fils adolescent et ladolescent qui refuse avec plus ou moins de colre cette tentative de le dfinir comme malade ou problmatique. Dans ces situations il est prfrable de privilgier une approche relationnelle prudente.
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En prsence dune psychopathologie avre une explication centre sur le symptme en tant que dfense contre une souffrance est utile afin dapaiser la conflictualit prsente en famille et crer un climat de collaboration pour comprendre et aider le patient. Cette dmarche vise fondamentalement dsamorcer lhostilit prsente lgard du patient comme la indiqu Miermont (2002) propos de la psychoducation.
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Concernant la position cognitive du patient lobservation chez ce dernier dune idalisation de la famille et dune autoculpabilisation nous oriente vers des explications relationnelles qui redistribueront plus correctement les responsabilits. Par contre la diabolisation des membres de la famille nous pousse donner des restitutions individuelles qui aident le patient percevoir en quoi il alimente activement son mal-tre.
En prsence dune psychopathologie cest–dire de symptmes spcifiques une technique fondamentale est de mettre en lien de faon logique et comprhensible les symptmes avec un trait de person